Client Eventeam pour Paris 2024
Mission Création d’un concept de parcours d’aménagement urbain sportif pour le canal Saint Denis à l’occasion des JO de Paris 2024.
Année 2023
Outils / Méthodologie(s) utilisée(s) Étude de terrain et relevé photographique, sketch, modélisation 3D, rendus 3D, graphisme ilustrator.
Thématique Sport et santé, aménagement urbain, réactivation des coeurs de ville
Extraits de livrables à venir
On entend beaucoup parler de design actif, pouvez-vous introduire cette notion ?
À l’approche des Jeux Olympiques de Paris, l’appel au sport est partout. Mais les 20 minutes quotidiennes d’activité physique sont plus qu’une prescription, on appelle les gens, tout âge confondu, à aimer ça. Bien plus qu’une injonction au bien être, il faut pouvoir se divertir avec le sport. Mais après un an de confinement, une décennie de nouveaux divertissements invitant à la paresse, à la procrastination et à la sédentarité, comment pousser les gens dans la direction inverse ? Au contexte de crise sanitaire et des multiples confinements ayant fait grimper les chiffres déjà alarmants du nombre de cas d’obésité infantile et adulte en France, s’ajoute celle des villes moyennes : un cœur de ville qui se meurt, des locaux vacants et une offre de services qui disparaît.
Ces constats poussent l’A.N.C.T Agence Nationale de la Cohésion des Territoires à lancer un programme hybridant deux projets : Action cœur de ville, visant à redynamiser les centres-villes, et le label Terre de jeux, ayant pour objectif de porter les valeurs du sport et plus largement celles des jeux olympiques. De cette articulation naît une mission d’accompagnement des villes labelisées pour la mise en place d’un parcours de design actif dans l’espace urbain.
Comment se matérialise le design actif en France aujourd’hui ? Est-ce un succès ?
Les récents projets relatifs à cette nouvelle tendance d’aménagement reflètent majoritairement de tracés graphiques surdimensionnés et multicolores au sol illustrant des disciplines athlétiques et parcours de santé. Ces matérialisations ont fait leur preuve en termes d’esthétique et d’usages, et constituent, pour certaines d’entre elles, de réelles zones d’intérêts dans certaines villes (Biarritz, Calais notamment). Mais pour répondre aux besoins réels d’inclusion et de création d’intérêt afin de faire sortir les gens de chez eux, il est nécessaire de redéfinir cette notion de design actif, et à travers celle-ci, celle du sport en plein air pour le grand public.
Quelle nouvelle définition en donnez-vous ?
La vraie question est de savoir comment mettre les gens au sport. Car depuis les années 1990 (à vérifier), les villes moyennes et grandes villes s’équipent d’aménagements urbains sportifs invitant à la pratique au sein des quartiers. Des distractions locales qui survivent tant bien que mal à-travers les dégradations diverses, les transformant parfois en des lieux fantômes. Mais qui s’agite vraiment sur ces espaces workout ? Certainement pas ceux-là même que l’on attend aujourd’hui. Comment leur faire sauter les obstacles, bien ancrés dans les vies quotidiennes (télétravail, réseaux sociaux, jeux-vidéos, commerce en ligne / livraison, repas tout prêt et livraison Ubereats) ? Le vrai challenge est là.
Diriez-vous que les équipements sportifs traditionnels ne sont donc pas la bonne solution ?
Les espaces de workout ont bien un point commun : des incitations d’action identiques partout, pédaler, faire des tractions et des abdos, et tout cela au grand jour et sous le regard des autres. Des attentes bien exigeantes pour des personnes absentes des salles de sport depuis des années, si ce n’est depuis le dernier cours d’E.P.S de leurs années lycées.
Que proposez-vous alors ?
Face à ces constats, nous (équipe de designers) avons pu plancher sur la réflexion suivante : Comment mettre les gens au sport ? Comment faire envie ? À quoi faut-il raccrocher le sport pour qu’il parle à tous ? Notre réponse à la question ne s’est pas résumée à un dessin ni à une proposition de but en blanc mais d’abord à une réflexion plus globale sur ce que recherchent les gens pour se divertir. Et pour cela, nous avons identifié plusieurs axes qui nous semblent être des opportunités à traiter : Il faut raccrocher le sport à la culture, au divertissement, il faut rendre le sport ludique et divertissant.
Vous pouvez nous en dire plus ?
La première chose, pour inverser la tendance et inciter les plus réfractaires à faire de l’activité physique, est de traiter les peurs. Qui n’a jamais retenu son souffle en observant des skaters se jeter tête la première dans un bol, une vidéo de surfeurs domptant les vagues de Nazareth ou encore Candide Thovex se jeter corps et âme dans la verticalité d’un terrain hors-piste de Chamonix ? Le fait est que, dans ces contextes extrêmes et hors-normes, le sport devient un monde non accessible par tous. Cette fascination participe pour beaucoup à l’attraction et à l’effroi que ces sports génèrent. Si le sport peut inclure, il rejette et exclue aussi souvent, malgré lui. La peur de tomber en perdant l’équilibre et de se faire mal est la raison principale qui freine une personne, enfant ou adulte, à se lancer, à essayer un nouveau sport. En sécurisant le geste et en exploitant uniquement l’aspect ludique d’un sport (la sensation de glisse par exemple) comme élément principal de l’expérience proposée, le concept gomme ces craintes et invite le participant à ne se concentrer que sur la partie amusante et éprouvante du sport dont il est question. La deuxième piste, complémentaire à la première, est d’offrir du rêve, de l’évasion et de l’exotisme à travers des expériences uniques et culturellement hybrides. Aujourd’hui plus que jamais, les gens ont besoin d’évasion, d’ouverture, d’optimisme et de nouveauté. Quoi de plus exotique que d’inspirer la population avec des cultures et des pratiques venues d’ailleurs ? À travers nos propositions d’aménagement, nous avons trouvé une manière de dire aux gens : allez skater, danser, surfer, faire ce que vous voulez car ici, dans votre ville, vous le pouvez ! Alors profitez, sortez et amusez-vous un moment.
Pour vous, les freins principaux à l’activité sont donc principalement la peur et la crainte de l’échec. N’y a-t-il pas aussi une question d’appropriation, de culture à mettre en avant ?
C’est notre troisième piste en effet. Dans un contexte social global marqué par de multiples enjeux climatiques et politiques, on voit et on entend de plus en plus le bruit de citoyens, personnes habitants qui s’efforcent de revendiquer leur place, leur connaissance et leurs choix en terme de consommation et de pratique (alimentation, mode, style de vie, forme de travail, consommation culturelle etc.). Les démarches de participation citoyennes se multiplient sur le territoire et à toutes les échelles (communes, villes moyennes, agglomérations, nation) ; les tiers-lieux fleurissent partout pour héberger et faire vivre ces nouveaux choix de vie. Le break dance, par son entrée dans l’arène de l’institution des JO, affirme aussi cette nouvelle prise de position. Les gens souhaitent que ce qu’ils connaissent, pratiquent et aiment soit considéré au même titre que la culture autrefois considérée comme supérieure. La culture dite populaire vient amoindrir cet élitisme culturel et en rejette son hégémonie. Quoi de plus logique que d’honorer cette culture urbaine dans l’espace urbain ?
Vous avez évoqué les 3 pistes à explorer selon vous. Aujourd’hui quelle est la suite ?
La suite a consisté pour nous en l’établissement d’une sorte de grille méthodique pour concevoir les parcours de design actif de chaque ville. Pour cela, il fallait d’abord mettre en évidence les enjeux communs du design actif pour ces collectivités, au-delà des besoins habitants. Avec plus d’une trentaine de villes accompagnées sur deux ans dans le cadre de notre mission confiée par l’A.N.C.T, nos échanges multiples avec les élus nous ont menés à en dresser une liste :
Reconnecter les quartiers. Il y a bien souvent, « des jeunesses dans la ville », comme nous l’a récemment partagé un élu. Les villes manquent de maillage, se découpent en quartiers et en d’autant d’inégalités sociales. Un parcours sportif urbain graphique qui relie visuellement et physiquement différents lieux d’une même ville est déjà un effort de reconnexion.
Réactiver certains espaces publics délaissés.
Instaurer un dialogue public citoyens / élu : plusieurs villes nous ont fait confiance pour cela. Si le format de concertation citoyenne est souvent vu comme une prise de risque trop grande pour les élus sur de nombreux sujets, celui de l’aménagement urbain sportif représente souvent une opportunité cadrée et sans danger pour eux. Le projet est périmètré et cadre un échange sur la géographie, les activités à venir, sans dériver sur d’autres sujets plus complexes et soulevant plusieurs craintes.
Renforcer l’identité d’une commune / ville
Parce qu’il porte en lui un esthétisme certain et qu’il nécessite de faire des choix (couleurs, formes, textures, matériaux, emplacements, activités), la conception d’un parcours de design actif est une véritable occasion pour incarner et valoriser le patrimoine d’une ville, qu’il s’agissent de symboles, de lieux emblématiques, de langage, de faune ou de flore.
Et quelle est cette grille d’expérience ?
C’est un modèle, une sorte d’enchaînement d’actions que nous avons choisi de mettre bout à bout pour planter ce que doit être, dans sa globalité, un parcours de design actif efficace, inclusif et attractif sur le long terme. Nous sommes partis de l’expérience sportive globale d’un athlète de haut niveau : Il s’entraîne, passe à l’action, puis entre dans la légende avant de reprendre enfin son souffle. Nous avons traduit ces quatre étapes clés comme des critères à respecter et à combiner pour chaque parcours urbain créé. L’entraînement et le passage à l’action parlent d’eux-mêmes bien entendu. Il s’agit de découper une discipline en une ou plusieurs gestuelles emblématiques d’un sport, pour que l’usager prenne confiance en lui. Par exemple, à proximité d’un terrain de basket, on retrouvera des îlots d’entrainement avec un simple panier de basket et trois cercles au sol affichés à différentes distances du panier pour s’entraîner à marquer. Les étapes « entrer dans la légende » et « reprendre son souffle » sont plus imagées : entrer dans la légende, pour le commun des mortels, qui ne participeront jamais aux JO comme vous et moi, signifie créer un souvenir, dans le meilleur des cas, instagrammable, sur un lieu symbolique, photogénique. Pour reprendre son souffle, on propose enfin des espaces de repos, de pause, au milieu des espaces d’action. Ainsi tout le monde est sur le même tableau, les acteurs et spectateurs sont au même endroit, et le deal est respecté : tout le monde est sorti de chez soi !
Peut-on avoir un aperçu de quelques-uns de vos aménagements ?
Bien sûr. Les visuels ci-dessous montrent quelques propositions faites pour les villes de Beauvais, Creil, l’Isle d’Abeau ou encore l’île de France : Nous avons fait le choix de nous concentrer sur trois disciplines ayant récemment intégré les JO et étant particulièrement représentatives de cette hybridation discipline sportive / culture urbaine que nous avons évoquée : le skateboard, le surf et le breakdance. Car elles répondent chacune à une ou plusieurs directions de notre vision originale du design actif : traiter les peurs par l’amusement, offrir l’évasion et honorer la culture urbaine. Ce sont les émotions, les sensations procurées par ces sports et les imaginaires qui gravitent autour qui nous intéressent pour inspirer et développer nos équipements.
Le surf Ce mot génère lui-même une multitude d’images mentales : Hawaï, la Côte Basque, les plages de Santa-Monica et les vagues gigantesques de Nazareth. Le surf c’est la glisse, la vie simple, le soleil et les phosphènes sur l’eau, les planches aux allures affutées et racées, les corps bronzés, la légèreté et les embruns. D’un sport très excluant, exigeant et réservé aux chanceux habitants des côtes, le surf incarne ici l’imaginaire universel. Offrir à tout le monde l’occasion de s’essayer au surf, de Saint-Omer à Limoges, attrapez votre planche pour une initiation de surf urbain.
Le Skateboard Ces dernières années, l’aménagement de skate-parks en France s’est multiplié. Bien entendu dédié initialement aux pratiquants, on retrouve bien plus que des skaters sur ces lieux qui deviennent de véritables spots de socialisation où spectateurs de tput âge se retrouvent. En retirant la peur de tomber, nous proposons à chacun de s’essayer au skateboard sans danger.
Le Breakdance Loin de la discipline académique du ballet, cette danse de rue venue du New York des années 70 est de plus en plus visible en France tant par sa mode vestimentaire que par sa gestuelle atypique et spectaculaire. Vous n’avez peut-être jamais fait de battle, mais vous avez certainement connu le twister, ce jeu de déplacement successif des pieds et des mains sur des pastilles de couleurs, rythmé par l’arrêt aléatoire d’un curseur.
Et s’il était aussi simple d’apprendre un pas de Break Dance que de jouer à une partie de twister ? c’est ce que nous proposons en décomposant pas-à-pas les gestes d’un mouvement de Break Dance face à un miroir disposé dans l’espace public.